19 Mai 2020
Je me contenterai de prendre le témoignage du lieutenant Wyndham ( le chemin d'Ohain, Editions de la Belle Alliance)
" Nous quittâmes le creux, le feu des canons ennemis devenant par trop chaud. Nous fîmes mouvement et occupâmes le terrain sur la gauche pour rester à couvert de la colline.
Cela fit que nous nous trouvâmes plus ou moins détachés des deux autres régiments. (des dragons lourds)
Ensuite, nous nous mîmes en ligne et avançâmes, pas dans le meilleur ordre, comme nous pûmes, en travers et au dessus de la haie, à la rencontre des gaillards français qui s'étaient formés sur la crête et nous tiraient dessus tandis que nous montions notre versant.
Nous eûmes à ce moment plusieurs tués et blessés.
Le souvenir dominant de cette mémorable journée est la manière extraordinaire dont les balles cognaient nos sabres tandis que nous avancions dans la montée."
Le 92° Régiment d'infanterie (composé d'Ecossais) semblait faire retraite quand les Greys arrivèrent au sommet sur la crête de la colline, là où le chemin bordé de haies était situé; les fantassins écossais passaient dans les intervalles des escadrons.
Bon nombre d'entre eux veulent repartir au combat avec les cavaliers. Sans ordre, ils font à nouveau face et partent à l'assaut, mêlés aux cavaliers qui, au pas, repoussent les Français.
Le cri de "Scotland for ever!" fuse de partout.
" Je n'ai jamais rien vu d'égal à l'enthousiasme des deux unités quand les Greys sont passés au travers du 92° pour charger, ils s'applaudissaient les uns les autres, que le 92° paraissait à demi-fou et que c'est avec la plus grande difficulté que les officiers pouvaient préserver un semblant d'ordre dans les rangs"
A mi-chemin de la pente, la charge tourne à la cavalcade parmi les fantassins français en déroute. Le désordre s'installe et Clark-Kennedy se souvient qu'à ce moment les Greys sont déjà mélangés aux Royals; les cavaliers écossais ont laissé les Highlanders derrière eux, tout au plus quelques forcenés auront-ils tenté de les accompagner en s'accrochant aux étriers.
" Je peux me souvenir des circonstances, ( continue le lieutenant Windham) car j'ai reçu ma première blessure à quelques yards de l'autre côté de la haie sur la crête.
Nous en sabrâmes un bon nombre en descendant la colline.
Il est possible que je puisse ne pas avoir une vue exacte de la distance d'une colonne française à l'autre mais je sais que cela n'a pris que peu de temps pour que, entrant dans le deuxième carré ( ou colonne ) je sois touché sérieusement au pied et que je me retrouve hors de combat.
Mon ami Crawford, alors cornette au régiment, me dit qu'après cela, ils allèrent sur la hauteur et prirent les canons, quelque chose comme 20, sabrèrent les servants et les conducteurs mais ne purent emmener les pièces.
Les lanciers français vinrent très près de moi et étaient de toute évidence à la poursuite des blessés et des hommes démontés, mais ils n'attaquèrent pas le petit noyau principal de notre régiment.
Si nous avions été soutenus là, beaucoup de nos pauvres gars auraient été sauvés.
Ces lanciers firent beaucoup de dégâts ; à Bruxelles, quelques semaines plus tard, je trouvais beaucoup de nos hommes avec 10 à 12 blessures de lance. L'un d'entre eux, nommé Lock, en avait 17 à 18 sur sa personne et a vécu après pour raconter l'histoire."
On le comprend, les pertes furent terribles.
On a vu que les Scots Greys, étaient sur la gauche et c'est de ce côté que vinrent les lanciers; ils les prirent donc de plein fouet.
Parmi les officiers tués, on notera le lieutenant-colonel Hamilton en charge du régiment. On l'a vu les deux bras coupés dans la charge et tenant dans la bouche les rênes de son cheval.
Son corps fut retrouvé couvert de coups de lance, dont un en plein coeur, et de blessures par balles.
Les divers états sont très discrets quant à la réalité des pertes dans cette affaire.
Par le récit des uns et des autres on sait que la brigade lourde n'alignait guère plus que 150 hommes après la charge.
On n'exagèrera donc pas en évaluant les pertes des Scots Greys à plus de 75% à ce moment de la bataille.
Lé 2° Royal North British Dragoons, plus familièrement connu sous le nom de Scots Greys en raison de la couleur de la robe des chevaux du régiment, a fait toute sa réputation à Waterloo.
Une charge désespérée et la prise d'une aigle lui on valu la célébrité pour les siècles à venir.